Records boursiers… en attendant les banques centrales

Malgré des chiffres économiques mitigés, semblant valider l’hypothèse de l’atterrissage en douceur des économies, une inflation plus vigoureuse que prévue, des banques centrales faisant preuve de prudence et un regain des tensions géopolitiques, il semble que rien n’ait pu entacher l’optimisme des investisseurs, les marchés continuant leur tendance à la hausse et permettant même à certains indices de renouer avec leurs records historiques.

Un rythme de désinflation moins soutenu, mais qui n’inquiète pas les banquiers centraux

Alors que la fin d’année 2023 faisait état d’avancées remarquables sur le sujet de la résorption de l’inflation, avec des baisses plus marquées qu’attendues, tant en zone euro qu’Outre-Atlantique, le constat du 1e trimestre 2024 est légèrement moins positif. En effet, aux Etats-Unis, l’inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie) a enregistré sa plus forte progression mensuelle depuis un an (+0,4%), confirmant le maintien de pressions haussières, et ce, particulièrement dans les services. En rythme annuel, l’inflation poursuit néanmoins son reflux. Même son de cloche en zone euro où l’inflation recule mais moins fortement qu’attendu, à +2,6% en février (en glissement annuel), également impactée par le dynamisme des prix des services.

Pour autant, même s’il est vrai que le rythme de désinflation est en ralentissement depuis le début de l’année, cela ne semble pas inquiéter les banquiers centraux américain (FED) et européen (BCE), bien que cela risque néanmoins de renforcer leur volonté de ne pas se précipiter dans la baisse de leur taux directeurs. Ils n’ont d’ailleurs, sans grande surprise, réalisé aucun mouvement baissier sur leurs taux directeurs au cours du 1e trimestre (5,25-5,50 pour la FED et 4,00% pour la BCE). Aux US, les membres du FOMC anticipent dorénavant 2 à 3 baisses de taux modérées en 2024 et 3 nouvelles en 2025. En Europe, Christine Lagarde a salué les progrès réalisés tout en soulignant que l’inflation domestique restait persistante, mais sous-entendant qu’une première baisse des taux pourrait avoir lieu en juin.

Par ailleurs, les données concernant les hausses de salaires en Europe commencent à sortir et laissent apparaitre des augmentations assez modestes. Cette dynamique de croissance des salaires est une bonne nouvelle pour l’inflation, puisqu’elle confirme un ralentissement de la boucle « prix-salaires », soutenant la thèse d’un ralentissement économique modéré.

Ailleurs, la Banque Nationale Suisse a quant à elle surpris en mars en étant la première banque centrale du G10 à baisser son taux directeur de 0,25%, passant de 1,75% à 1,50%, grâce aux bons chiffres d’inflation. La Banque Centrale Chinoise (PBoC) a également effectué un assouplissement de sa politique monétaire, dans le but de stimuler le secteur immobilier tandis qu’aux antipodes, la Banque Centrale du Japon a opéré un mouvement haussier de son taux directeur, mettant ainsi fin à presque 8 ans de politique de taux négatifs, en relevant de 0,20% le taux de dépôt, le faisant passer de -0,10% à +0,10%.

 

Des chiffres économiques qui résistent

Sur le plan macroéconomique, malgré un léger essoufflement de l’activité mondiale, celle-ci reste relativement bien orientée.

Aux Etats-Unis, bien que la croissance reste vigoureuse, elle commence à montrer quelques signes d’essoufflement depuis le début de l’année. On peut par exemple citer des ventes au détail qui déçoivent ou encore une consommation qui faiblit et des indicateurs de confiance pour les perspectives à 6 mois qui se dégradent. Pour autant, le marché de l’emploi reste solide et les indicateurs avancés d’activité (PMI), bien qu’ils soient en légère baisse, indiquent une activité en expansion. Le PMI manufacturier s’est même redressé, décrivant une croissance de l’activité pour la première fois depuis octobre 2022. Les services, quant à eux, sont au plus bas depuis 3 mois mais restent en progression.

En Zone Euro, les PMI dépeignent une croissance européenne encore faible, surtout en Allemagne et en France, mais sont malgré tout au plus haut depuis mai 2023. Bien que le PMI composite soit toujours en-dessous du seuil des 50 (activité en contraction), il a positivement surpris en mars, indiquant une quasi-stagnation de l’activité, après 9 mois de contraction. A l’inverse de la situation américaine, ce sont principalement les services qui ont été porteurs, tandis l’activité manufacturière ne progressait que très légèrement, mais s’inscrivait tout de même à un point haut depuis 11 mois. La fin de ce 1e trimestre a également été marqué par une amélioration dans la confiance des différents acteurs économiques. Dans la même lignée, l’indice de sentiment économique de la zone euro, calculé par la Commission européenne, a rebondi en mars, après deux mois de baisse.

En Chine, bien que la situation économique n’ait pas été au beau fixe en début d’année, elle a montré une nette amélioration en mars. Que ce soit dans le secteur des services ou dans le secteur manufacturier (où il affiche une progression pour la 1e fois en 6 mois), les indicateurs affichent une expansion de l’activité. Attention toutefois à ne pas s’emballer à la lecture de ces chiffres puisqu’ils sont probablement le reflet d’un effet de base positif du fait du décalage de mois du nouvel an chinois (janvier en 2023 et février en 2024) et seraient donc « trompeurs » pour acter un redressement pérenne de l’activité chinoise.

 

Des marchés dopés par les baisses de taux à venir

Les indicateurs économiques mitigés, les banques centrales moins accommodantes qu’attendues et le regain des diverses tensions géopolitiques aux quatre coins du monde n’auront pas eu raison de l’excellente tenue des marchés en ce début d’année. Les investisseurs préférant voir le verre à moitié plein, ils se sont focalisés sur les bonnes nouvelles.

Ainsi, au cours de ce premier trimestre 2024, nous avons pu voir de nombreux indices retrouver leurs points hauts historiques. On peut citer le S&P500 aux Etats-Unis, le CAC 40 en France, l’Eurostoxx50 en Europe ou encore, celui qui a marqué la plus forte hausse avec +19% depuis le début de l’année, le Nikkei 225 japonais, profitant largement de la faiblesse de sa devise face au dollar. Sur ce dernier point, il est important de noter que la parité USD/JPY (dollar / yen) est à son niveau le plus haut depuis 1990. Le vice-ministre des finances a d’ailleurs mis en garde les investisseurs contre la faiblesse du yen qui « ne reflète pas les fondamentaux de l’économie », et que des interventions du gouvernement pourraient avoir lieu sur le marché du change, pouvant impacter négativement la valorisation du marché nippon.

Enfin, nous avons pu constater le timide regain d’appétit des investisseurs sur les petites et moyennes capitalisations.

 

Bien que 2024 s’ouvre sur une superbe tendance haussière, nous estimons qu’il faut rester prudent à court terme. En effet, de nombreux marchés ont enregistré des valorisations record mais nous pouvons nous demander s’ils sont le reflet de leur optimisme ou de la réalité de l’économie. Cette hausse nous parait quelque peu exagérée au vu de la situation économique globale : même si certains pans de l’économie sont en amélioration, l’activité mondiale est plus orientée vers un ralentissement qu’une forte progression. Pour autant cette tendance haussière pourrait également être le reflet de l’anticipation des baisses des taux attendues. Même si le pire est probablement derrière nous, il n’est pas rare que les investisseurs prennent leurs bénéfices sur des points hauts de marché. Le cas échéant, de belles opportunités d’investissement peuvent apparaitre. Au vu des valorisations de marché, il pourrait être opportun de se placer, à court terme sur des fonds de performance absolue, qui devraient bénéficier des anomalies de marché, ou encore des fonds monétaires peu risqués ou obligataires à faible duration, qui profiteraient du contexte de taux. Notre vision long terme reste inchangée et nous continuons de privilégier les sociétés de croissance et de qualité, les thématiques porteuses (eau, énergies renouvelables, infrastructures, …). Les actifs obligataires ont de nouveau fait surface dans nos allocations cette classe d’actifs représentant une opportunité intéressante à moyen terme et contribuera à améliorer la diversification de nos portefeuilles.

Bien que nous incitions à la prudence depuis plusieurs trimestres, qui reste de mise du fait de la fragilité des différentes économies mondiales, nous pensons que de nouvelles opportunités se profilent à court et moyen termes du fait de la détente des politiques monétaires attendues au cours de l’année. Nous conseillons ainsi toujours de profiter de manière graduelle des opportunités. Plus que jamais, la diversification d’une allocation restera primordiale, à la fois en termes de classes d’actifs, mais également au niveau géographique où l’on observe de réelles disparités selon les zones et les secteurs.  

 

Article rédigé par SAPIENTA GESTION.

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