Point marchés : Un début d’année agité mais une situation économique mondiale qui semble se redresser

Alors que l’année boursière a commencé en fanfare avec un mois de janvier en forte hausse, les velléités des investisseurs ont vite été douchées en février, puis en mars avec la « crise bancaire » qui a agité la sphère financière, faisant bondir la volatilité présente sur les marchés actions et obligataires.

Pour autant, malgré les incertitudes qui ont fleuri au cours du mois de mars, notamment au sujet de la stabilité financière mondiale, de nombreux éléments positifs sont à noter. Ces derniers ont d’ailleurs permis aux marchés boursiers de se reprendre sur la seconde quinzaine de mars, les indicateurs macroéconomiques et les discours des divers banquiers centraux rassurant les investisseurs. La réouverture de la Chine, qui a allégé ses mesures sanitaires, la normalisation des chaînes de production et la bonne tenue du marché du travail ainsi que l’amélioration des enquêtes économiques sont tout autant de facteurs favorables qui entretiennent l’espoir d’un avenir meilleur.

L’inflation, toujours au cœur des politiques monétaires des Banques Centrales

Si le mois de janvier faisait état d’un ralentissement de l’inflation, insufflant un vent d’optimisme aux investisseurs qui s’attendaient, en conséquence, à des anticipations moins agressives concernant les politiques monétaires, le mois de mars a vu repartir l’indice des prix à la hausse.

Dans la zone euro, l’inflation sous-jacente (ou « core », c’est-à-dire retraitée de l’énergie et de l’alimentation) a atteint un nouveau record à 5,7% en mars (contre 5,3% en février et 5,6% en janvier) alors même que l’inflation totale recule à 6,9% (vs 8,5% en février) du fait d’une baisse des prix de l’énergie. A l’inverse, ce sont principalement les prix des produits alimentaires et des services qui ont bondi. Dans ce contexte, la Banque Centrale Européenne (BCE) devrait continuer à remonter ses taux. Elle a d’ores et déjà remonté de 0,5% ses taux directeurs en février puis en mars et sa directrice, Christine Lagarde, a déclaré que le risque inflationniste restait bel et bien présent et qu’il restait du terrain à parcourir. Elle a ajouté que la BCE aurait dorénavant une approche « réunion par réunion » et qu’elle réagirait, à l’instar de son homologue américain, selon les données disponibles. Ainsi, les décisions de politique de taux seront déterminées par l’évaluation de leurs perspectives d’inflation à la lumière des données économiques et financières.

Outre-Atlantique, l’inflation totale et sous-jacente semblent se modérer à respectivement 5% et 4,6%. Pour autant, bien que de nombreux investisseurs aient pu s’attendre à un discours encore plus accommodant, la Réserve Fédérale américaine (FED) a commencé à amorcer un ralentissement de son cycle de hausses de taux. Elle a, lors de ses réunions de février et mars, procédé à deux nouvelles hausses de taux de 0,25%, portant la fourchette à [4,75% – 5%]. Bien que Jerome Powell, le président de la FED, actait le début du processus de désinflation, il indiquait tout de même que le chemin restait long pour revenir à une inflation en ligne avec les objectifs. Même si la politique monétaire américaine est moins agressive que l’année dernière, Powell a annoncé néanmoins que des baisses de taux n’étaient pas dans le scénario central pour l’année 2023.

Ailleurs, dans le sillage de la BCE et de la FED, certaines banques centrales continuent de remonter leurs taux, comme l’Australie, l’Angleterre ou encore la Suisse. D’autres, comme la BoJ (banque centrale du Japon) tardent encore à modifier leurs politiques monétaires même si le prochain gouverneur, Kazuo Ueda, qui prendra son poste début avril, a exprimé ses doutes quant à la pertinence du maintien d’une politique monétaire extra-accommodante. En effet, alors que l’inflation observée ces derniers mois semble être temporaire (inflation importée), elle pourrait devenir domestique si les salaires venaient à évoluer.

En revanche, à contre-courant, la Banque Populaire de Chine (PBoC) a annoncé une nouvelle baisse de 0,25% de ses réserves obligatoires, permettant d’injecter de la liquidité dans le système financier, ce qui confirme sa volonté d’accompagner la reprise de l’économie.

 

Quid de la stabilité financière ?

Avec la faillite de trois acteurs bancaires aux Etats-Unis mais aussi le rachat « salvateur » de Crédit Suisse par la banque UBS, la première quinzaine de mars a été le théâtre majeur de craintes quant à la stabilité du système financier mondial. Ainsi, les grands indices boursiers, plombés par le secteur bancaire notamment, ont donc fortement corrigé avant de reprendre une tendance haussière plus récemment. En effet, au-delà du recul pris par les investisseurs sur le poids des trois acteurs américains et l’impact possible du rachat de Crédit Suisse, les discours officiels tenus par les régulateurs et les gouvernements ont largement rassuré : Philip Lane, membre du Conseil des Gouverneurs de la BCE, estimait que les turbulences américaines et suisse n’affectent pas pour le moment les banques de la zone euro. Même constat aux Etats-Unis : la FED, dans un communiqué officiel a précisé que le système bancaire américain était « sain et résistant » même si les évènements récents entraineraient des conditions de crédit moins favorables pour les entreprises et ménages et pourraient ainsi peser sur l’activité économique. Pour autant, Powell estimait que le durcissement des conditions de crédit équivalait à une augmentation des taux directeurs, d’où un discours pour la suite moins agressif qu’auparavant.

 

Des indicateurs économiques en amélioration

Du côté des données macroéconomiques, on constate une embellie généralisée et tout particulièrement dans les services. En effet, si les PMI manufacturier sont encore en zone de contraction bien qu’ils remontent doucement, ce sont surtout les PMI des services qui montrent de sérieux signes d’amélioration ces derniers mois.

A titre d’exemple, en zone euro, il bondit de 52,7 à 55,6, un plus haut en 10 mois. Le climat des affaires s’est lui aussi amélioré même si, au vu des dates de recueil de l’enquête, il ne semble pas que les récents affres du secteur financier soient déjà intégrés.

Aux Etats-Unis, le PMI rebondit en mars et s’inscrit à 53.3 (vs 50.1) essentiellement grâce aux services également. Ce qui est intéressant dans cette donnée est que l’enquête a été réalisée après la faillite de SVB. L’économiste en charge des enquêtes a indiqué qu’il faudra « évaluer la résilience de la demande de services face au resserrement de taux récent et à l’incertitude causée par le stress bancaire ». Même constat qu’en zone euro pour le PMI manufacturier : il rebondit mais reste en zone de contraction, à 49.3 (vs 47.3), pour le 5e mois consécutif.

Enfin, du côté de la Chine, le PMI composite est principalement tiré par les services et la construction. On constate effectivement un net rebond dans les services avec un indice non manufacturier qui s’inscrit à 58.2 (contre 56.3 précédemment et 41.6 en décembre 2022), un plus haut depuis mai 2011, principalement grâce à la réouverture de l’économie, suite à la levée des restrictions sanitaires. Du côté de la construction, l’indicateur décrit une forte expansion, probablement due au dynamisme des investissements en infrastructures ainsi qu’aux signes de stabilisation du secteur immobilier, qui a bénéficié d’un large soutien des autorités chinoises. Le PMI manufacturier quant à lui, même s’il reste toujours en expansion se modère légèrement du fait de l’atténuation marquée au niveau des commandes à l’exportation semblant refléter la faiblesse de la demande internationale.

 

Des marchés boursiers agités

Ce premier trimestre aura une nouvelle fois été riche en rebondissements. Alors que nous avons débuté ce nouvel exercice sur les chapeaux de roue avec le retour en fanfare des valeurs de croissance et technologiques, la tendance s’est rapidement retournée et la défiance a fait son grand retour.

Avant la « crise bancaire » on constate deux phases bien distinctes : la 1e quinzaine du mois de janvier où les investisseurs ont fait preuve d’un optimisme excessif et la 2e moitié du mois de janvier suivie de l’attentisme de février. En effet, alors que les chiffres américains semblaient pointer vers une désinflation, les investisseurs se sont pris à rêver à une baisse des taux de la FED dès 2023. Pour autant, bien que celle-ci ait annoncé vouloir amorcer le ralentissement de son cycle de resserrement monétaire, il n’a jamais été le cas d’une baisse des taux pour cette année. Le désenchantement a donc tout naturellement suivi, renforcé par la bonne tenue des chiffres économiques américains et de la poursuite du discours restrictif de Powell. Ainsi, alors que les marchés étaient dans l’attente de l’issue des différentes réunions de politiques monétaires des banques centrales, les faillites de SVB et d’autres banques régionales américaines ont mis le feu aux poudrières et les marchés ont brutalement chuté dans la crainte d’un nouvel épisode de crise systémique comme on a pu le connaitre en 2008. Ce phénomène a, par la suite, été accentué par le cas de Crédit Suisse dont les difficultés récurrentes étaient déjà connues, faisant cette fois trembler la sphère bancaire européenne. Finalement, les deux dernières semaines du mois de mars ont vu les indices boursiers repartir à la hausse, notamment grâce aux interventions des différents banquiers centraux qui n’ont eu de cesse d’afficher leur confiance quant à la solidité des systèmes financiers et que les banques centrales se tenaient prêtes à agir au besoin.

 

En conclusion, bien que le trimestre ait été chahuté, nous ne changeons pas notre vision à long terme et continuons de privilégier les sociétés de croissance et de qualité, les thématiques porteuses (eau, énergies renouvelables, infrastructures, …) ou encore les fonds de performance absolue qui devraient bénéficier des anomalies de marché. Comme nous l’évoquions déjà le trimestre précédent, et que nous pouvons d’ores et déjà observer, nous pensons toujours que les fonds diversifiés pourraient faire leur grand retour cette année et bénéficier du regain d’intérêt pour le marché obligataire. A plus court terme, nous restons prudents, du fait du manque de visibilité et du regain de volatilité et conseillons toujours de profiter de manière graduelle des opportunités. En finalité, nous gardons notre « mantra » :  diversification, sélectivité et qualité restent pour nous les maîtres-mots cette année.

 

Article rédigé par Marie-Christine Bacanu (Responsable du service Gestion) et Romain Rivière (Directeur-adjoint du service Gestion).

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