Marchés financiers : Bilan 2023 et perspectives 2024

Ce dernier trimestre aura une nouvelle fois été haut en couleur et marqué par l’espoir. Alors qu’il débutait sur une note négative, la tendance s’est progressivement retournée en cours de trimestre sous l’impulsion de chiffres d’inflation plus faibles qu’attendus. Ces chiffres prometteurs, ont propulsé l’optimisme des investisseurs qui attendaient avec impatience l’annonce de la baisse des taux. Il n’en fallu plus à Powell pour se transformer en Père Noël avant l’heure et offrir LE cadeau tant attendu par tous les investisseurs : l’annonce d’un pivot en 2024.

Le marché anticipe déjà une baisse des taux directeurs de la FED et de la BCE et ce, dès le 1e semestre 2024

Nous évoquions le trimestre précédent la complexité à venir de la tâche des diverses banques centrales. Alors qu’elles ont réalisé le cycle de resserrement monétaire le plus drastique de leur histoire, nous indiquions qu’elles devaient dorénavant faire face au dilemme de poursuivre les hausses des taux, au risque d’avoir un impact néfaste sur la croissance, ou de procéder à des statu quo, dans l’attente d’observer l’impact des multiples hausses sur l’économie réelle.

A l’occasion de sa réunion de juillet, et après avoir opéré une hausse de ses taux directeurs, la Réserve Fédérale Américaine (FED), avait confirmé les prévisions de juin, qui anticipaient une hausse supplémentaire pour 2023. Ainsi, alors que le marché corrigeait suite à ce discours plus conservateur qu’espéré, force est de constater que depuis juillet, la FED a décidé de laisser inchangée sa politique monétaire et maintenu sa fourchette à [5,25% ; 5,5%]. Pendant la première moitié du trimestre, et à travers les différentes prises de paroles, les membres de la FED se sont montrés particulièrement prudents quant à la trajectoire qu’emprunterait la banque centrale dans les mois à venir, dans l’espoir de maitriser les anticipations d’inflation. C’était, sans surprise, peine perdue puisqu’à chaque nouvelle « mauvaise » publication économique, ou tout du moins décevante, les investisseurs se sont empressés de fantasmer sur une baisse des taux rapide. Fantasmes qui ont vite été douchés par Powell et les membres du FOMC à l’issue de la réunion de septembre. Pourtant, dès novembre un tournant s’est opéré avec la publication des chiffres de l’inflation sous-jacente américaine plus faible qu’anticipé, avec un point bas à 3,5%, niveau non atteint depuis mars 2021. Suite à ces données de bon augure, Powell a offert le « pivot » tant attendu aux investisseurs à l’issue de sa réunion de décembre en confirmant que la FED allait commencer à baisser ses taux dès 2024. L’ensemble de la sphère financière s’est alors octroyé un rallye de fin d’année, anticipant même à fin décembre, avec une probabilité de 90%, une baisse des taux directeurs dès la réunion de mars.

Dans la lignée de la FED, la BCE avait quant à elle communiqué sur deux hausses supplémentaires à l’issue de sa réunion de politique monétaire de juillet et bien qu’elle ait effectivement remonté ses taux en septembre, les autres réunions se sont conclues sur un statu quo, laissant inchangé le taux de dépôt à 4%, soit son plus haut niveau depuis la création de la monnaie unique.  Tout comme sur le territoire américain, la zone euro a connu un recul marqué de l’inflation et plus rapide qu’attendu par le consensus : en décembre, l’inflation sous-jacente en Europe est mesurée à 3,4%.

Après l’annonce de ces ralentissements qualifiés de « remarquables » par Isabel Schnabel (l’un des membres les plus conservateurs de la BCE), plusieurs membres du Conseil des gouverneurs de la BCE se sont exprimés et, si le discours prédominant reste que les taux directeurs doivent être maintenus à un niveau suffisamment restrictif suffisamment longtemps pour contribuer à ramener l’inflation vers sa cible de 2%, certains membres signalent que désormais l’institution devra être vigilante et ne pas causer des « dommages non-nécessaires » à l’économie et à la stabilité financière en maintenant des taux d’intérêt trop élevés sur une trop longue période.

Enfin, du côté des autres banques centrales européennes, la Banque d’Angleterre et la Banque Nationale Suisse ont également laissé leurs taux inchangés mais doivent, à l’instar de la FED et de la BCE, lutter contre des investisseurs impatients de voir les taux baisser rapidement, au risque d’avoir des anticipations baissières irréalistes. La Banque de Norvège a quant à elle carrément augmenté les siens, faisant un pied de nez à la vague des statu quo.

 

Une activité économique mondiale qui recule tout en douceur, sans inquiéter outre mesure

Alors que les chiffres de la croissance américaine ont été révisé à la hausse avec un PIB à +5,2% en rythme annualisé (contre une estimation initiale à +4,9%), soit un plus haut en deux ans, des signes de ralentissement de l’activité économique se multiplient. Dans un premier temps, on constate que les deux enquêtes des indicateurs manufacturiers font état d’une activité en recul. Bien que l’ISM ait surpris à la hausse en décembre (à 47,4 vs 46,7 en novembre), il reste sous le seuil des 50 pour le 14e mois consécutif, indiquant une contraction de l’activité. Le PMI quant à lui décroche en passant de 49,4 à 47,9. Du côté des services, alors que le l’ISM s’était inscrit en hausse en novembre (passant de 51,8 à 52,7), il a abandonné du terrain en décembre, en reculant à 50,6 mais reste pour le moment toujours en zone d’expansion.

En dépit des signaux de ralentissement en provenance du marché du travail américain, celui-ci reste bien orienté et le taux de chômage poursuit toujours son recul malgré la progression du taux de participation. On note tout de même que les pressions salariales commencent de manière générale à se modérer.  Enfin, la consommation des ménages résiste plutôt bien. Malgré le fait que leur perception de la situation se soit légèrement détériorée depuis l’été dernier, la première estimation de la confiance des consommateurs en décembre a surpris par sa force en passant de 61,3 à 69,4, alors que le consensus s’attendait à une publication de seulement 62. Cette bonne nouvelle est à attribuer au ralentissement de l’inflation ainsi qu’à la révision à la baisse de ses perspectives futures. L’ensemble de ces données semblent ainsi valider l’hypothèse d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine.

Du côté de l’Europe, la lecture est légèrement moins positive, sans être toutefois alarmante. A l’instar des grands pays développés, les indices PMI de la zone euro restent en-deçà du seuil des 50, tant dans le secteur manufacturier que dans celui des services où on observe une dégradation de l’activité. En outre, alors que l’emploi s’était montré particulièrement résilient, les chiffres du 3e trimestre font état d’un tassement de la progression. Pour autant, l’indice de sentiment économique, calculé par la Commission Européenne affiche une légère progression en novembre, due en partie au redressement de l’indicateur de la confiance des consommateurs. Ces derniers semblent effectivement moins inquiets concernant le sujet de l’inflation mais semblent plus nerveux concernant l’évolution du marché du travail dans les mois à venir. Bien que dans l’absolu le taux de chômage soit resté stable en zone euro, les anticipations en matière d’emploi des entreprises recule et s’inscrit à un niveau bas depuis le printemps 2021.

 

Une économie chinoise qui peine à repartir

Le contexte économique chinois s’avère complexe. Si on se rapporte aux indices, on note une troisième contraction successive de l’activité manufacturière du fait d’un déclin généralisé et en particulier de la demande, qu’elle soit domestique ou étrangère. De même on observe une stabilité sur le secteur des services, sur les mois de novembre et décembre, à 49,3, sous le seuil des 50, confirmant ainsi que l’activité des services commence à s’essouffler sur la fin d’année, après avoir été l’un des principaux moteurs de la croissance chinoise de janvier à septembre.

Bien que l’activité économique chinoise présente des signes de fragilité, cela ne devrait pas contrecarrer son objectif de croissance du PIB pour 2023 (de 5%). Le gouvernement a par ailleurs réaffirmé qu’il continuera de soutenir la croissance et l’emploi. La Banque Centrale Chinoise (PBoC) a, dans la lignée, réinjecté massivement des liquidités via des prêts à 1 an. Pour autant, après deux années compliquées et des perspectives durablement plus faibles à laquelle se greffe la dégradation du secteur immobilier, l’agence de notation Moody’s a choisi d’abaisser sa perspective sur les notes de crédit du gouvernement chinois de stable à négative, toutefois sans ajuster sa note d’émetteur de long terme (A1).

 

Bilan des marchés 2023

Alors que le 1e semestre avait démarré sous de bons augures, le 3e trimestre a effacé une bonne partie des gains initiés les 6 premiers mois de l’année. Pour autant, que ce soit sur le marché obligataire ou des actions, la photo de fin d’année est plus que positive.

Après une année 2022 désastreuse, le marché obligataire a enregistré en 2023 des performances solides. A titre d’exemple, le FTSE Euro MTS Global (indice obligataire souverain de la zone euro) enregistrait une performance de 7% cette année, pas non plus de quoi effacer la perte de 18% de 2022. Concernant les obligations d’entreprises, que ce soit l’Investment Grade (obligations notées entre AAA et BBB-) ou le high yield (haut rendement plus risqué), les deux segments ont enregistré de belles performances. Ainsi, le iBoxx IG EU a gagné près de 9% cette année, quand le haut rendement iBoxx HY EU flirtait avec les 12%.

Du côté des actions, malgré un contexte monétaire très restrictif (hausses des taux d’intérêts aux quatre coins du monde), des tensions géopolitiques et une crise bancaire, l’année clôture dans l’ensemble en hausse. Par répartition géographique, le S&P500 aux Etats-Unis enregistre une performance de 24% tandis le marché européen (Eurostoxx 50) termine l’année à 19%. C’est, sans surprise, le secteur technologique qui est le grand gagnant du millésime 2023. La tech américaine (Nasdaq) était ainsi en hausse de 43,4% sur l’année (contre -33% l’année précédente) principalement tirée par les « 7 magnifiques » (Apple, Microsoft, Amazon, Nvidia, Alphabet, Meta et Tesla) qui ont en moyenne engendré une performance de 71% à elles-seules et représentent dorénavant 28,5% du S&P500. En Asie, le marché chinois (Hang Seng) clôture pour la 4e année consécutive en baisse, à -14% et le Japon s’offre sa meilleure performance depuis 10 ans avec un Nikkei à +28%, porté en partie par la baisse de sa devise (le yen). Enfin, l’Inde ne démérite pas et affiche une performance en hausse de près de 19%, profitant d’une activité domestique solide, de perspectives démographiques porteuses et du redéploiement d’une partie des chaines de production chinoises sur son territoire.

Après une année 2023 challengeante d’un point de vue boursier, du fait de la dominance du marché par les 7 magnifiques, notre vision long terme reste inchangée et nous continuons de privilégier les sociétés de croissance et de qualité, les thématiques porteuses (eau, énergies renouvelables, infrastructures, …) ou encore les fonds de performance absolue qui devraient bénéficier des anomalies de marché. Par ailleurs, les actifs obligataires, longtemps délaissées, ont de nouveau fait surface dans nos allocations en cours d’année. Nous pensons que cette classe d’actifs représente une opportunité intéressante à moyen terme et contribue à améliorer la diversification de nos portefeuilles.

Bien que nous incitions à la prudence depuis plusieurs trimestres, qui reste de mise du fait de la fragilité des différentes économies mondiales, nous pensons que de nouvelles opportunités se profilent à court et moyen termes du fait de la détente des politiques monétaires attendues courant 2024 mais aussi un contexte économique qui favorise l’hypothèse d’un soft landing (atterrissage en douceur de l’économie), évitant ainsi aux économies des reculs marqués de leur croissance. Nous conseillons ainsi toujours de profiter de manière graduelle des opportunités.  Plus que jamais, la diversification d’une allocation restera primordiale, à la fois en termes de classes d’actifs, mais également au niveau géographique où l’on observe de réelles disparités selon les zones et les secteurs.

 

Article rédigé par Marie BACANU, Responsable Gestion au sein d’Astoria Finance.

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