Lettre trimestrielle – 3e trimestre 2025

Une fois n’est pas coutume, la période estivale a été source de volatilité et de bouleversements, principalement en raison des actions et prises de parole de Donald Trump, une nouvelle fois très actif sur la scène nationale et internationale. Politique interne, pression sur la FED, tarifs douaniers, … le Président américain a continué cet été à animer l’actualité, qui fut d’ailleurs également riche en France où de nombreuses interrogations subsistent quant à l’avenir et la stabilité du paysage politique notamment.

Des « trumperies » à nous en faire tourner la tête.

Bien que l’été soit souvent synonyme de vacances et Dolce Vita, D. Trump n’a quant à lui pas chômé. Parmi les éléments qui ont fait couler de l’encre, on peut notamment mentionner son nouvel échec d’un cessez-le feu entre la Russie et l’Ukraine ou encore sa décision de déployer les militaires de la garde nationale dans les mégalopoles tenues par l’opposition, pour « faire baisser la criminalité ». Mais ce sont surtout les licenciements surprises de deux hautes fonctionnaires au sein d’institutions majeures qui ont défrayé la chronique.

Début août, D. Trump annonçait ainsi le renvoi immédiat de la directrice du bureau des statistiques du travail américain, Erika McEntarfer, suite à la publication du rapport mensuel d’emploi de juillet, qui mettait en lumière une situation de l’emploi dégradée, à laquelle s’ajoutaient des révisions à la baisse des estimations des mois de mai et juin. En effet, les créations d’emploi pour ces deux mois auraient été abaissées de 258 000 postes, les portant à un total de seulement 33 000 sur la période, soit le niveau le plus bas depuis la pandémie du Covid-19, suggérant ainsi que le marché de l’emploi américain s’est fortement affaibli depuis l’investiture de D. Trump. Mme McEntarfer ayant été nommée par l’ancien président, Joe Biden, il n’en a pas fallu plus à son successeur pour la révoquer de ses fonctions, arguant que les statistiques auraient été manipulées pour saper son image. Il va sans dire que D. Trump a nommé l’un de ses proches pour lui succéder. Toutefois, cette nomination devra être approuvée par le Sénat pour être effective. De nombreuses prises de parole ont vu le jour suite à ce départ forcé, à la fois pour soutenir le président mais aussi pour condamner cette décision, qui menace de fragiliser la confiance dans les institutions américaines quant à la neutralité et l’impartialité des statistiques gouvernementales.

 

Peu de temps après, et faisant suite à plusieurs mois d’invectives acharnées contre la Réserve Fédérale Américaine (FED) pour l’inciter à baisser ses taux, D. Trump est de nouveau passé à l’action en limogeant cette fois Lisa Cook, une gouverneure de l’institution, sous couvert d’avoir soumis des demandes de prêts hypothécaires frauduleux, qui lui auraient permis d’obtenir des conditions de prêts plus avantageuses. Ce qu’il faut avoir en tête c’est que la loi américaine prévoit qu’un président ne peut révoquer les membres du conseil d’administration de la Fed que « pour motif valable », bien que les circonstances justifiant un licenciement pour motif valable ne soient pas explicitement définies. Il y a donc débat sur cette notion de « motif valable » et la gouverneure a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne démissionnera pas et a attaqué en justice la décision de D. Trump. Bien que les raisons derrière la manœuvre de D. Trump soient assez évidentes, notons tout de même qu’il s’agit de la 1e fois depuis la création de la FED, en 1913, qu’un président cherche à démettre un gouverneur de ses fonctions. Si la décision de D. Trump est validée par la justice américaine, l’indépendance de la FED pourrait ainsi être remise en question. En effet, pour rappel, le Conseil des Gouverneurs est composé de 7 membres nommés par le Président des Etats-Unis et confirmés par le Sénat, pour des mandats de 14 ans. Ainsi, si D. Trump parvient à faire remplacer L. Cook par l’un de ses alliés, la majorité des gouverneurs de la FED serait composée de personnes ayant précédemment été nommées par lui. Deux membres avaient effectivement été nommés lors de son 1e mandat et une 3e personne est en cours de nomination pour remplacer Adriana Kugler, suite à sa démission surprise de début août. Cet évènement pourrait avoir des répercussions, plus largement, sur le comité de politique monétaire (le FOMC) qui est composé des 7 gouverneurs ainsi que des 12 présidents des réserves fédérales régionales. Or, les mandats de l’ensemble des 12 présidents sont recertifiés tous les 5 ans par le Conseil des gouverneurs, la prochaine révision étant prévue pour février 2026… Cela signifie donc que si les gouverneurs nommés par Trump auraient la possibilité de révoquer les 12 présidents des FED régionales s’ils s’alliaient. Un tel scénario marquerait une rupture historique et entraînerait une refonte majeure du fonctionnement du FOMC, qui pourrait remettre en cause l’indépendance de la FED. Bien que ce scénario soit assez pessimiste, plusieurs conditions devront être réunies pour y parvenir. De plus, il arrive bien évidemment que certains membres décident de prendre leur distance avec le Président qui les a nommés, comme Jerome Powell, l’actuel président de la FED, qui a rappelons-le a été nommé par nul autre que D. Trump.

 

Des avancées sur les tarifs douaniers … mais qu’en est-il de leur légalité ?

Bien que de grandes avancées aient été réalisées sur le sujet des accords commerciaux, force est de constater que tous les pays n’ont pas bénéficié du même traitement. Alors que certains pays ont conclu un accord avec les Etats-Unis, s’évitant ainsi des tarifs douaniers plus élevés, d’autres pays sont impactés par des hausses de droits de douane bien plus importants.

C’est le Royaume-Uni qui s’en sort le mieux en se voyant imposer les droits de douane les plus faibles, à hauteur de 10%, tandis que l’Union Européenne, le Japon et la Corée du Sud s’en sortent pour 15%. Certains pays, à l’instar de l’UE se voient tout de même préciser qu’en cas de non-respect de leur part de l’accord, les droits de douane sur les produits européens seraient portés à 35%. Bien que tous les pays n’aient pas encore conclu un accord, le gouvernement Trump ne relâche pas la pression et continue son bras de fer.  En outre, D. Trump semble également vouloir utiliser le prétexte des droits de douane comme outil géopolitique pour forcer la main de Vladimir Poutine à mettre un terme au conflit avec l’Ukraine, en pénalisant les pays qui continuent à importer le pétrole russe, comme l’Inde ou le Brésil.

Le Président américain a en outre indiqué qu’il souhaitait instaurer des droits de douane sectoriels, notamment sur le secteur pharmaceutique et sur les semi-conducteurs, dans le but d’encourager les entreprises à privilégier leurs productions sur le territoire américain.

 

Toutefois, il se pourrait que les droits de douane réciproques chers à D. Trump aient une fin prématurée, une cour d’appel fédérale américaine les ayant déclarés illégaux. En effet, selon le texte du jugement, « la loi confère au président des pouvoirs importants pour prendre un certain nombre de mesures en réponse à une situation d’urgence nationale déclarée, mais aucune de ces mesures n’inclut explicitement le pouvoir d’imposer des droits de douane et autres taxes ». Les juges estiment ainsi abusifs les droits de douane mis en place puisqu’ils s’appliquent à presque tous les produits importés aux Etats-Unis, quelle que soit leur provenance et sans limite dans le temps.

Pour le moment, la cour a autorisé le maintien des droits jusqu’au 14 octobre, le temps de laisser à l’administration Trump la possibilité de faire appel devant la Cour Suprême. Outre le fait de ternir son image et de le ridiculiser dans la sphère diplomatique internationale, le retrait des droits de douane ferait perdre aux Etats-Unis le levier de pression qu’ils maintiennent sur leurs partenaires commerciaux depuis le début de l’année. Le Président a bien évidemment prévenu qu’il comptait saisir la Cour Suprême dont il a cimenté la majorité conservatrice.

Affaire à suivre donc…

 

Vers le pivot tant attendu de la FED ?

Du côté des banques centrales, et à l’occasion de son discours au symposium annuel de Jackson Hole, Jerome Powell, le président de la Réserve Fédérale Américaine, a ouvert la porte à une potentielle baisse de taux à partir de septembre.

En effet, alors que les chiffres de l’emploi pour les mois de mai et juin ont significativement été revus à la baisse, l’inflation imputable à la hausse des droits de douane montre, à contrario, des signes d’accélération. Bien que l’ampleur et la vitesse des répercussions de la politique commerciale de Trump soient encore difficiles à appréhender avec certitude, J. Powell semble penser que l’effet sera transitoire. Toujours est-il qu’il que, même passager, ce regain d’inflation complexifie la tâche de la FED dans l’harmonisation de ses deux mandats, à savoir le plein emploi et la stabilité des prix. Dans ce contexte, les membres du FOMC pourraient revoir leur priorité et soutenir l’emploi, au détriment de l’inflation, en assouplissant, plus rapidement que prévu, sa politique monétaire.

 

L’incertitude politique française demeure plus que jamais présente et pesante

Alors que le gouvernement français peine à trouver un accord sur le budget, François Bayrou a créé la surprise fin août en annonçant vouloir tenir un vote de confiance, le 8 septembre prochain.

Bien que les chiffres semblent présager la fin anticipée de son mandat, la question qui se pose est de savoir quelle sera l’issue finale de ce vote. Fera-t-on face à un remaniement, avec un nouveau changement de ministre ? Nous dirigeons-nous vers une 2nde dissolution de l’Assemblée nationale ? Voire même, scénario plus improbable, aura-t-on des présidentielles anticipées ?

Bien qu’Emmanuel Macron réfute le scénario d’une dissolution et semble déterminé à aller au bout de son mandat, un résultat négatif le 8 septembre constituerait une illustration supplémentaire de la fragilité du gouvernement, qui a vu se succéder 4 premiers ministres depuis 2022… un record pour la Ve République !

Toutefois, même si E. Macron met en place un nouveau gouvernement, il sera de nouveau confronté à une Assemblée Nationale très fragmentée, les élections législatives de 2024 ayant alloué aux partis d’opposition une capacité de blocage importante. Il pourrait donc ne pas avoir le choix quant à la marche à suivre et risque de se voir contraint de dissoudre une nouvelle fois l’Assemblée nationale.

 

Des marchés boursiers sous tension

Dans ce contexte assez riche en actualités, les marchés ont dans l’ensemble été porteurs. Avec des performances de presque +16% pour le CSI 300 et +8% pour le Hang Seng, entre le 30 juin et le 29 août, ce sont les actions chinoises qui sont les grandes gagnantes de l’été, profitant de l’accalmie des tensions commerciales et géopolitiques avec les Etats-Unis. Les Etats-Unis ne sont pas en reste puisque le S&P500 et le Nasdaq enregistrent des performances de +4.66% et +3.79%. Enfin, du côté de l’Europe, la fracture géographique au sein du vieux continent est plus que jamais présente. Alors que les actions des pays périphériques montrent leur résilience, la France et l’Allemagne restent bien loin derrière, impactés par les situations politiques et économiques. On peut ainsi citer l’Espagne, l’Italie ou encore la Grèce qui gagnent respectivement +6.75%, +6% et +8.23%. A contrario, le CAC 40 français ne montait que de 0.5% tandis que le DAX allemand perdait 0.03%.

 

Vous l’aurez donc compris, la volatilité risque de rester omniprésente dans les semaines à venir face aux différents sujets politiques, géopolitiques et économiques auxquels nous faisons face. Bien que nous restions prudents à court terme, estimant que les marchés vont rester sous pression, il n’est pas impossible qu’une accalmie voie le jour sur les marchés boursiers internationaux, à tout le moins à court terme, grâce à une potentielle impulsion donnée par une baisse des taux que la FED devrait initier la FED lors de sa réunion du 17-18 septembre.

 

Données arrêtées au 29/08/2025

Les performances affichées sont toutes libellées en euro.

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