Lettre trimestrielle – 2e trimestre 2025

Alors que ce 2e trimestre commençait sur les chapeaux de roues avec les annonces tarifaires de Donald Trump, il a été, à l’instar du 1e trimestre, rythmé par les différentes prises de parole du président américain, la thématique des tarifs douaniers demeurant au cœur de toutes les discussions. Les tensions géopolitiques aux quatre coins du monde ont également refait surface, ajoutant de l’incertitude à des marchés déjà bien erratiques.

Le feuilleton de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et le reste du monde continue de faire couler de l’encre, au gré des prises de parole de D. Trump

Alors que les annonces de D. Trump lors de son « Liberation Day » du 2 avril ont fait l’effet d’un raz-de-marée, ses différentes prises de parole qui s’en sont suivies n’ont pas été en reste, brinquebalant l’humeur des investisseurs et des marchés financiers au gré des annonces tantôt positives, tantôt préoccupantes. Nous l’évoquions déjà lors de notre précédente note, l’objectif du président américain, en lançant cette offensive commerciale mondiale, était de parvenir à sceller des accords bilatéraux, avec pour ambition de réduire le déficit de la balance commerciale américaine. Toutefois, et ce, sans surprise aucune, la mise en œuvre de sa politique commerciale protectionniste s’est réalisée par la force, à base de menaces et de revirements de situations. En effet, après avoir fièrement dévoilé son tableau de tarifs douaniers au monde entier lors de son évènement du 2 avril dernier, D. Trump est revenu sur ses propos près d’une semaine plus tard, annonçant une trêve de 90 jours dans l’application de ces tarifs afin de permettre le bon déroulement des négociations.

Dans un premier temps, la Chine s’est vu refuser cette même accalmie, entrainant une escalade des barrières tarifaires entre les deux puissances mondiales. Bien qu’au cours du mois de mai les deux gouvernements aient cherché à désamorcer les tensions, arrivant même à un accord de baisse des droits de douane assez important (de 145% à 30% sur les produits chinois et de 125% à 10% sur les produits américains), le « cessez-le feu » n’aura été que de courte durée. Il ne leur aura pas fallu longtemps pour recommencer à se tirer dans les pattes s’accusant mutuellement de violer cet accord. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la situation a de nouveau évolué, les deux chefs d’Etats s’étant donné rendez-vous en terrain neutre, à Londres, afin de reprendre les discussions et parvenir à un compromis. Affaire à suivre donc…

Loin d’être mono-tâche, le président américain n’a pas uniquement concentré ses efforts sur le front chinois puisque l’Union Européenne a également été dans son viseur. En effet, l’UE a aussi eu droit à sa valse à contre-rythme avec D. Trump, ce dernier, estimant que les négociations n’avançaient pas au rythme désiré, a menacé d’appliquer des droits de douane de 50% sur les exportations européennes dès le 1e juin, revenant ainsi sur sa trêve commerciale. Très peu de temps après, et suite à un appel avec Ursula van der Leyen, D. Trump a une nouvelle fois fait volte-face, rétablissant la date butoir du 9 juillet.

Enfin, en parallèle le gouvernement américain est en pourparlers avec d’autres pays et a d’ailleurs notamment conclu un partenariat avec le Royaume-Uni.

 

 

Les conséquences négatives de la politique commerciale protectionniste de D. Trump commencent d’ores et déjà à se ressentir sur l’activité économique américaine

Bien que jusqu’à fin mai les différents indicateurs macroéconomiques se sont montrés résilients, on constate depuis quelques semaines que la tendance semble doucement s’inverser. On peut notamment évoquer l’indicateur d’enquête ISM non-manufacturier qui, pour la 1e fois depuis juin 2024, affiche un niveau inférieur à 50, faisant ainsi état d’une contraction de l’activité. Dans le secteur manufacturier, l’orientation est toujours au repli de l’activité, l’ISM étant sorti à 48.5 points. Dans le sillage des hausses de droits de douane, les entreprises ont ainsi drastiquement réduit leurs importations et un certain nombre d’entre elles ont fait part de leur intention de répercuter les hausses de tarifs sur leurs prix. Il n’est donc pas étonnant que les indices de confiance des ménages soient en berne, les consommateurs mentionnant de façon explicite leurs inquiétudes quant à l’augmentation des prix et à l’impact des droits de douane sur l’économie. Enfin, le marché de l’emploi reste pour le moment relativement bien orienté, mais des signes de ralentissement commencent à émerger : les enquêtes de création d’emplois font état de chiffres assez faibles et bien que le taux de chômage soit stable, à 4.2%, le taux d’emploi est tombé à 59.7%, un niveau que nous n’avions plus constaté depuis janvier 2022.

 

 

Malgré l’épée de Damoclès américaine, la situation économique européenne retrouve des couleurs

Alors qu’il y a quelques mois, les Etats-Unis rassuraient et l’Europe inquiétait, la dynamique s’est renversée puisque les derniers chiffres publiés en Europe sont de bonne facture et poussent à davantage d’optimisme.

La croissance trimestrielle du PIB de la zone euro a ainsi été révisée en nette hausse à 0.6% (contre 0.3% estimé) sous l’effet d’une accélération plus forte qu’initialement attendu en Irlande (dont le PIB ressort à 9.7% sur le 1e trimestre !). En Allemagne, la situation économique fait état d’une amélioration ; c’est beaucoup moins le cas de la France où le climat des affaires et la confiance des ménages sont en net déclin. En effet, alors que le sentiment économique s’est redressé pour la zone euro dans son ensemble, en mai, on remarque toujours une certaine disparité entre les pays membres.

Les chiffres de l’inflation sont également de nature à rassurer, puisque l’inflation totale ressort en baisse à 1.9% en glissement annuel, sous les attentes. L’inflation sous-jacente quant à elle, reflue de 2.7% en avril à 2.3% en glissement annuel, soit son niveau le plus bas depuis mars 2022. Mais c’est surtout l’inflation des services qui marque un recul sensible à 3.2% (contre 4% en avril).

 

 

La Chine marque le pas, sur fond de guerre commerciale

Sans grande surprise, et dans un contexte marqué par l’incertitude liée aux nombreux bras de fer commerciaux dans laquelle la Chine est engagée avec les Etats-Unis, l’activité économique est à la peine et se reflète dans les différentes enquêtes dont les résultats ont évolué en dent de scie selon les avancées et reculs réalisés sur le sujet des négociations tarifaires.

Comme d’habitude, les deux enquêtes principales auprès des directeurs des achats sont assez contrastées entre elles du fait de la différence de structure dans le choix des panels d’entreprises utilisés, pour autant, les deux enquêtes indiquent une contraction de l’activité. En outre, une divergence supplémentaire est à noter du fait de la date du recueil des informations, qui peuvent être plus ou moins optimistes selon le calendrier des négociations sino-américaines.

Par ailleurs, bien que le PMI manufacturier calculé par le NBS (National Bureau of Statistics) fasse état d’une légère amélioration en mai, celui publiée par Caixin chute fortement et enregistre son niveau le plus bas depuis septembre 2022. Selon le rapport de Caixin, c’est la composante « nouvelles commandes » qui pèse, en lien direct avec la guerre commerciale. Ce chiffre se constate également dans la baisse des exportations chinoises et particulièrement celles à destination des Etats-Unis, qui marquent un recul de 35% sur un an, après avoir enregistré un repli de 21% en avril.

 

 

Un trimestre riche en actualités sur le plan politique et géopolitique

De manière générale, l’actualité de ces derniers mois a été extrêmement riche sur les plans politiques et géopolitiques.

Aux Etats-Unis, la Chambre des représentants a validé, à une voix près, le projet de loi budgétaire défendu par Donald Trump, baptisé « Big, beautiful bill ». Le texte prolonge les baisses d’impôts de 2017 – mises en place au cours de son premier mandat – introduit de nouveaux allègements fiscaux pour les ménages, et prévoit des coupes dans les dépenses sociales et écologiques. En parallèle, les budgets de la défense et de la sécurité des frontières seront renforcés. Mais ce compromis budgétaire, qui pourrait creuser le déficit de plus de 2 400 milliards de dollars sur dix ans selon le CBO (Congressional Budget Office), suscite de vives inquiétudes sur la soutenabilité de la dette américaine. Le projet doit désormais franchir l’étape du Sénat, où les débats s’annoncent houleux, y compris au sein du camp républicain.

L’Allemagne a également fait parler d’elle puisque, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il aura fallu plus d’un tour de scrutin au Parlement pour élire le nouveau Chancelier, Friedrich Merz, illustrant ainsi la fragilité de la coalition centre/droite entre la CDU/CSU et le SPD. Le gouvernement prévoit ainsi de présenter son budget 2025 d’ici au 25 juin. Quant au budget 2026, ses grandes orientations devraient être validées avant la pause estivale, afin de permettre une adoption définitive du texte à la rentrée de septembre. La révision des programmes budgétaires permettra, entre autres, de tenir compte des projets d’investissement en infrastructures et d’augmentation des dépenses militaires. Concernant ces dernières, Friedrich Merz a clairement exprimé son souhait de faire de l’Allemagne la plus grande force armée d‘Europe. Sur ce sujet, et une nouvelle fois, une première depuis la fin de la Seconde Guerre, des troupes allemandes seront stationnées de manière permanente dans un pays tiers. En effet, du fait de la menace que représente la Russie, Berlin a installé une brigade militaire en Lituanie, composée de deux bataillons de chars et d’un bataillon de l’OTAN sous commandement allemand. D’ici fin 2027, cette force devrait compter jusqu’à 5 000 personnes.

En Europe plus largement cette fois, l’accent est également mis sur l’augmentation de l’effort de défense européen et de son financement. L’instrument « SAFE » (Security Action for Europe), lancé dans le cadre du plan ReArmEU, a été adopté sans avoir eu à passer devant le Parlement européen et permet de débloquer une enveloppe de150 Mds€, dont le lancement est prévu d’ici fin 2025. Ce nouveau programme permettra aux États membres d’augmenter rapidement et de manière significative le niveau d’investissement dans le développement des capacités de défense européennes, de soutenir l’industrie européenne de la défense et d’améliorer le système des achats dans le domaine de la défense. Dans la lignée de ce plan, le Royaume-Uni et l’UE ont scellé un nouveau partenariat stratégique impliquant notamment les sujets de sécurité et de défense, ouvrant la voie à la participation du Royaume-Uni au programme de réarmement SAFE.

Du côté de l’Asie, deux nouvelles majeures ont retenu notre attention ce trimestre. Tout d’abord, le dernier sommet de l’ASEAN, qui s’est tenu en Malaisie, a marqué un tournant stratégique pour l’organisation. Outre les dirigeants des pays membres, l’événement a accueilli le Premier ministre chinois ainsi que des représentants des pays du Golfe. Une présence qui illustre clairement la volonté de l’alliance de diversifier ses partenariats économiques, dans un contexte de tensions croissantes avec la politique commerciale de D. Trump. Selon plusieurs sources diplomatiques, un texte d’accords commercial régional pourrait être finalisé d’ici le prochain sommet prévu en octobre. Notons également l’élection de Lee Jae-Myung (Parti démocrate de centre-gauche) à la présidence de la Corée du Sud, mettant ainsi fin à la cohabitation politique qui était en place. Une élection qui pourrait accélérer là encore les négociations avec les USA et la volonté d’axer la croissance économique du pays en misant notamment sur les technologies de pointe, l’IA, les énergies vertes et la défense.

Enfin, le trimestre s’est malheureusement achevé sur l’ouverture d’un nouveau front dans le conflit au Moyen-Orient. C’est désormais contre l’Iran qu’Israël a mené une série de frappes aériennes, ciblant son programme nucléaire ainsi que des hauts gradés militaires. Cette attaque a très rapidement été suivie d’une riposte de la part de Téhéran, qui a envoyé une centaine de drones sur Israël en premières représailles. Nous surveillons de près l’évolution de ce conflit, à dimension internationale. Pour le moment, l’impact sur les marchés financiers semble limité même si les cours du pétrole ont subi une forte hausse. L’implication d’autres pays voisins mais également de « médiateurs » comme les Etats-Unis pourrait avoir des impacts significatifs en cas d’escalade.

 

 

Politique monétaire : En Europe, une nouvelle baisse et puis une pause ? Enfin un amorçage pour la FED ?

Du côté des banques centrales, la BCE a opéré, pour la 8e fois consécutive, une baisse de ses taux directeurs, portant le taux de dépôt à 2%. Après avoir réduit ses taux de 200 points de base en un an, la baisse amorcée en mai pourrait marquer la fin du cycle, ou tout du moins une pause, de la politique monétaire accommodante. En effet, Christine Lagarde a indiqué que désormais l’institution européenne était « proche de terminer un cycle de gestion de chocs : Covid-19, Ukraine, inflation, etc. » et estime qu’elle est en « bonne position » pour faire face aux chocs futurs qui pourraient intervenir du fait de l’incertitude qui émane du contexte global actuel. Ainsi, à l’instar de ses précédentes déclarations, de futures baisses de taux ne sont pas à exclure mais dépendront du développement des signaux économiques ainsi que de l’évolution de la guerre commerciale.

Face aux incertitudes pesant sur l’inflation, la croissance et l’emploi, la Réserve Fédérale américaine a une nouvelle fois maintenu ses taux inchangés dans l’intervalle [4.25% – 4.50%]. Bien que Jerome Powell estime que l’économie américaine continue de se montrer résiliente, il maintient son discours prudent, dans un contexte d’incertitude exacerbée, attendant de voir comment les répercussions des hausses de droits de douane se matérialiseront. En effet, même si les membres du FOMC reconnaissent que l’inflation poursuit sa baisse, cette dernière reste tout de même supérieure au niveau compatible avec leur objectif de stabilité des prix.

Dans ce contexte, les marchés, bien que chahutés, ont regagné de la hauteur, portés par un vent d’espoir à la suite de la trêve commerciale de 90 jours accordée par D. Trump dans le sillage du Liberation Day qui avait fortement secoué les différentes places boursières mondiales. La disparité de performance entre les zones géographiques a plus que jamais été prégnante. Ainsi, en Europe, sans grande surprise, la France est encore en bas de classement et recule de -1,36% depuis le début du trimestre tandis que l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie engendrent des gains de respectivement +6.1%, +5,9% et +3,6%. L’Eurostoxx, dans lequel le poids de la France est important, ne gagne ainsi que +0,8% malgré la très belle performance de la bourse allemande. Aux Etats-Unis, selon que l’on prenne la performance en dollar ou en euro, le résultat est sensiblement différent, du fait du change EUR/USD qui est en hausse de +11,5% depuis le début de l’année. Ainsi, le Nasdaq, grand gagnant de la trêve, rebondit de +12,2% en dollar (vs +5% en euro), le S&P 500 et le Dow Jones affichent des hausses de +6,5% et 0,87% en dollar (vs -0,34% et -5,62% en euro). De même, l’indice mondial, MSCI World, gagne +7,5% en dollar (vs +0,59% en euro), porté par la belle performance américaine. La performance de l’indice nippon, le Nikkei 225, n’est pas en reste puisqu’il s’envole de +10,55% sur le trimestre. En Chine, la situation est toutefois moins éclatante, les marchés ayant été quelque peu impactés par la guerre commerciale avec les Etats-Unis. Ainsi, le CSI 300 et le Hang Seng affichent des performances de +0,44% et +2,43%. L’indice des actions émergentes, le MSCI Emerging Markets, a quant à lui réalisé une belle performance et gagne +8% sur le trimestre.

 

En conclusion, à l’approche de la date butoir de fin de trêve commerciale, fixée au 9 juillet, et face aux différends géopolitiques qui émergent, nous constatons depuis quelques semaines une recrudescence de la volatilité. Il va sans dire que les marchés resteront sous pression, d’autant plus si les négociations entre les Etats-Unis et ses partenaires d’ici à la fin de la trêve. A l’instar du trimestre précédent, et en raison du manque de visibilité, nous maintenons notre message de prudence, surtout à l’approche de la période estivale, souvent synonyme de regain de volatilité. Pour autant, des opportunités pourraient émerger, la diversification restant plus que jamais clé dans les allocations.

 

Données arrêtées au 13/06/2025

Les performances affichées sont libellées en dollar, à l’exception des indices européens (CAC40, Eurostoxx 50, FTSE MIB, IBEX 35).

 

Article rédigé par SAPIENTA GESTION.

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